LA CHARTE DE CHILANDAR DE STEFAN PRVOVENČANI ET LE MOTIF DU PARADIS DANS LES MINIATURES SERBES - Résumé

par Svetozar Radojčić

Dans la charte du roi Stefan Prvovenčani du monastère de Chilandar, on trouve une description détaillée du paradis, description reprise — avec moins d'ampleur — dans la biographie de Stefan Nemanja écrite par St. Sava. Dans les deux textes, l'image du paradis ne diffère pas beaucoup des fréquentes descriptions déjà établies (stéréotypes) des paysages idéalement embellis de la littérature antique et médiévale. Le locus amoenus est représenté chez les deux écrivains précités comme un jardin somptueusement paré de fruits et de fleurs avec oiseaux chantant d'une voix suave. Les descriptions parlent d'arbres, de fleurs, de feuilles, de fruits et d'oiseaux. Tous ces détails ise trouvent assemblés dans les en-têtes décoratifs des manuscrits byzantins, surtout dans ceux du XIIe siècle. Dans les miniatures serbes du XIVe siècle, les en-têtes avec feuilles, oiseaux et fleurs sont surtout riches dans l'évangile du métropolite Jacob de Serrés qui se trouve actuellement au Musée britannique. On voit d'après un texte de l'en-tête décoratif de l'évangile du prêtre Dobrejso du XIIIe siècle, que les copistes et les enlumineurs médiévaux qualifaient cet ornement de paradis — ou plus précisément, tel qu'il est cité dans l'évangile de Dobrejso, » c'est le paradis qu'on nomme paradeisos«.
On peut conclure d'après ce qui a été dit que le paradis terrestre, dont on connaît la place dans la littérature, avait aussi son thème correspondant dans les miniatures, thème particulier plutôt lié à la représentation antique du paradeisos. Dans ce paysage idéal de paradis-jardin, c'est l'oiseau du paradis qui est surtout mis en relief. On le désigne souvent dans les textes slaves par les noms antiques, ALKONOST, ἡ ἀλκύων, en latin alcedo) ou sirène. Dans les textes serbes, et russes ce nom est du genre masculin: SIRIN, SIRINA. Le roi Stefan Prvovenčani appelle carrément son frère le moine »oiseau du paradis«, le montrant accroupi sur un arbre et par sa voix enchanteresse attirant son père Nemanja vers le Mont Athos, le paradis terrestre. Au XIVe siècle, un autre écrivain serbe anonyme compare les fils du comte Lazare aux oiseaux du paradis, les sirènes. Les sirènes, êtres fatals de la mythologie antique, deviennent dans la symbolique chrétienne l'incarnation des qualités positives. Par leur voix douce elles prédisent et glorifient les beautés du paradis.
La somptueuse plastique du portail ouest de l'église de la sainte-Vierge de Studenica indique que la symbolique de la sirène-oiseau du paradis était bien connue dans les milieux serbes dès la fin du XIIe siècle. »Sirin« sous les pieds de la Vierge du tympanon, avait pu inspirer le roi Stefan pour que celui-ci compare son frère Sava à l'oiseau du paradis.
La fréquente parallèle faite dans la littérature sur l'Athos, image du paradis terrestre, incitait les maîtres artistes travaillant sur commande des mécènes serbes, de reprendre ce thème dans les oeuvres sculpturales et dans les miniatures. Ce qui est frapant, c'est que ce thème littéraire et artistique jusqu'au XIVe siècle ne peut être séparé des hauts cercles
dynastiques et du haut clergé. Dans le milieu populaire, ce motif d'origine antique a trouvé un écho au commencement du XVIIe siècle dans les „Sermons" de Matthieu Divković et même dans un conte de la collection des oeuvres populaires, publiée par Vuk Karadžić, avec un sens assez simplifié.



ХИЛАНДАРСКА ПОВЕЉА СТЕФАНА ПРВОВЕНЧАНОГ И МОТИВ РАЈА У СРПСКОМ МИНИЈАТУРНОМ СЛИКАРСТВУ
In: Хиландарски зборник (Recueil de Chilandar) 1 (1966)41-50.